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L'interview du mois : Marion Darrieutort, fondatrice d'Élan et de The Arcane

Portraits

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25/03/2021

Celsa Alumna, Marion Darrieutort est une figure connue et reconnue de l'univers des agences.  Fondatrice d'Élan, directrice général d'Élan Edelman, elle a accepté d'évoquer avec nous son parcours, le Celsa, les Alumni, ainsi que sa vision de son métier  de consultante et de la communication plus largement 


Bonjour Marion. Pourriez-vous nous parler de votre parcours en quelques mots ? 

Bonjour. Tout d’abord, j’ai commencé par m’intéresser au business avant de rejoindre le CELSA. J’y suis en effet entrée après avoir été formée dans une école de commerce, l’European Business School. Faire les choses dans cet ordre m’a beaucoup appris pour exercer en agence. Car, pour me présenter, je vous dirais que je suis une consultante dans l’âme. C’est chevillé au corps chez moi. Je n’ai jamais travaillé ailleurs qu’en agences de communication ! Ce métier procure une grande richesse de rencontres tout en étant très stimulant intellectuellement, et tout en conciliant stratégie et opérationnel. Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles pour le dire ainsi.

Après avoir exercé mes talents dans une agence rachetée depuis par Burson – devenue récemment BCW - je suis allée chez TBWA Corporate. Travailler dans ce groupe coté m’a appris l’importance des ratios, financiers notamment. Pour maîtriser au mieux les aspects internationaux de ce métier, j’ai rejoint ensuite le réseau américain Edelman. J’ai eu la chance d’avoir une progression très rapide : à 29 ans, j’étais devenue directrice générale. Je remercie encore ceux qui m’ont fait confiance à l’époque.

En 2008, un point de bascule s’est produit. Le premier iPhone arrivait sur le marché et la blogosphère s’étendait quotidiennement. Le phénomène de désintermédiation m’a interrogée. J’ai eu le pressentiment d’évolutions colossales.  C’est pourquoi j’ai décidé de créer Élan, mon agence. Ça a duré 8 ans. On était implantés à Londres, à Bruxelles et à Paris. Élan a été une très belle aventure entrepreneuriale. Je pense pouvoir dire que nous avons été l’agence qui a pensé et construit la pratique de l’influence, une approche plus large des Public Relations. En 2015, j’ai décidé de vendre Élan à Edelman pour accélérer le développement à l’international, en Chine et aux États-Unis particulièrement. Élan Edelman, 140 collaborateurs, là encore, a contribué à faire évoluer le métier. Nous avons travaillé sur le concept de earned media. Nous sommes allés chercher des méthodes et des pratiques pour développer des alternatives à la communication publicitaire. Et ça a porté des fruits : croissance à 2 chiffres et profit multiplié par 3 ! En novembre 2020, la crise sanitaire a rallumé chez moi l’étincelle de l’entrepreneuriat. J’ai alors créé The Arcane. Ce cabinet de conseil est un enfant de la crise. Car, dans toute crise, il y a des opportunités ! L’expertise de The Arcane, c’est le métier de l’influence corporate pour promouvoir et protéger la réputation des entreprises et des dirigeants. Cela inclut de la communication de crise, des affaires publiques, des relations presses, les réseaux sociaux etc. Mais c’est aussi un nouveau métier que nous voulons contribuer à penser et à développer : le conseil en gouvernance.

Quelle est votre plus grande fierté ou votre plus belle réalisation ? 

La création de ma propre agence, Élan. C’est l’histoire initiatique. Elle a une saveur particulière. Je suis fière d’avoir créé cette agence. J’étais partie de zéro. Avec mon équipe nous avons écrit une superbe successtory, respectée, parfois copiée ! Cette aventure collective a été incroyable. J’ai beaucoup appris sur le métier et sur moi-même… Quand on fait nos métiers, il est impératif d’être alignés entre l’ « être » et le « faire », et pour cela, de bien se connaître soi-même.

Pourquoi avoir choisi le CELSA spécifiquement ? 

Toute jeune, je voulais faire du business, tout en étant fascinée par Culture Pub. Je le dis à moitié en plaisantant, mais je voulais faire comme Christian Blachas. Et, la formation au CELSA est très complémentaire d’une formation de type école de commerce…

Le CELSA m’a apporté une structuration de pensée, une exigence dans l’analyse, un esprit de synthèse et des qualités rédactionnelles. Quand j’y suis entrée, ça n’a pas été simple car beaucoup d’étudiants possédaient un bagage universitaire ou avaient fait Sciences-Po. Au final, aujourd’hui, je remercie la vie. L’association du côté « pratique » du business avec le niveau d’exigence académique du CELSA m’a permis de devenir une professionnelle ultra-hybride. Sans le CELSA, sans sa méthode, sans son état d’esprit et ses valeurs humaines, je n’aurais peut-être pas eu cette carrière de consultante.

Le CELSA vous a donc servi dans votre vie professionnelle ? 

Oui ! Tout d’abord, en ce qu’il faut une vraie capacité d’analyse et de synthèse pour comprendre les enjeux du client et restituer ce que l’on a compris. Ensuite, une réelle exigence intellectuelle est requise pour « inventer », créer ou développer un concept répondant à ses enjeux. Dans la vie professionnelle, j’ai remarqué qu’il y a comme un signe de reconnaissance des Celsiens, un label de pensée qui ne traduit pas un formatage mais plutôt un besoin de sens, d’interactions et de transversalité. La Société s’est invitée dans la vie des entreprises. La formation au CELSA nous donne un bagage pour comprendre cela.  

Vous faites un lien entre communication et société. Aussi, vous nous parleriez de vos engagements ?

Je suis engagée pour un monde responsable, et donc pour une filière communication elle-même responsable. Mon aspiration dans la vie, c’est de rendre le monde un peu meilleur, de contribuer au bien commun. J’aurais adoré le faire avec d’autres baguettes magiques que la com’. Mais je n’en ai pas. La communication est ma vocation et mon métier. Aussi, pour améliorer le monde, ai-je décidé de faire évoluer mes clients, de cheminer avec eux vers une autre vision du monde et de les encourager à avoir une contribution sociétale.

C’est cet état d’esprit qui structure mes engagements depuis toujours : instiller de la responsabilité dans le capitalisme, et de la durabilité dans l’économie. Très tôt, je me suis engagée pour ce qui est depuis devenu banal :  la raison d’être des entreprises, le purpose, la RSE, la philanthropie etc. J’ai ainsi beaucoup travaillé avec Jacques Attali pour la promotion de l’économie positive. Je suis aujourd’hui co-présidente d’une association de dirigeants qui s’appelle Entreprise et Progrès. Elle a été créée il y a une cinquantaine d’années à l’initiative de L’Oréal et de Danone pour faire progresser le bien commun. Je suis fière de continuer à porter ce combat. Entreprises et Progrès travaille beaucoup sur tous les nouveaux enjeux en lien avec la responsabilité des entreprises, que ce soit la performance extra-financière, les critères ESG…

Enfin, les entreprises de la communication doivent aussi avoir des engagements, et s’y tenir. En tant que dirigeante, je me bats depuis longtemps pour plus d’exemplarité. Cela peut trouver une traduction dans la tenue et le suivi des entretiens annuels d’évaluation, dans le fait de proposer des salaires motivants, de former généreusement nos équipes, de sensibiliser au harcèlement et au burn out… Bref, à assurer des conditions de travail aussi bonnes que possible. Et cela ne nuit pas au business. Bien au contraire ! Je constate une vraie fidélité: j’ai certains clients ou collaborateurs depuis 15 ans ! Il me semble essentiel de participer au renforcement de cet état d’esprit dans nos métiers. Les acteurs de la communication sont actuellement sous tension avec la dénonciation de pratiques sexistes notamment, ou une forme de pression quotidienne. C’est une exigence constante pour moi que de chercher à améliorer nos standards professionnels depuis plusieurs années. Car cela ne s’improvise pas !

Comment définiriez-vous votre métier ? 

Mon métier consiste à aider les dirigeants à gérer leurs entreprises en prenant en compte leurs interactions avec la Société et l’ensemble des parties prenantes. Aujourd’hui un dirigeant ne peut pas que diriger : il doit « gouverner avec ». Je les accompagne donc dans le management de l’image, de la réputation des entreprises, et dans la gestion de crises. Au final, gouverner avec, cela permet d’améliorer la compétitivité et la performance des organisations concernées.

Plus largement, notre combat à nous, professionnels de la communication, consiste à démontrer que cette fonction constitue un levier stratégique de la performance des entreprises.

Les Alumni peuvent-ils contribuer à cela ? 

En tant qu’Alumni du CELSA, cette vision définit un marqueur fort de notre vie professionnelle. Si changer de regard sur nos métiers me semble nécessaire, nous devons également faire évoluer le discours et le regard sur la stratégie des entreprises. La Société s’est invitée dans les entreprises, et la personne la mieux placée pour saisir le contexte sociétal, les acteurs et les enjeux transversaux, c’est le communicant. Aussi, tenons-le-nous pour dit : la communication n’est pas une application passive de la stratégie de l’entreprise. Elle en est une composante essentielle ! C’est pourquoi il nous faut être présents dans le top management. Le communicant doit avoir sa place dans le Comex. Nous ne devons pas nous auto-stigmatiser en nous cantonnant à moins que ce que nous pouvons. C’est un enjeu d’empowerment des communicants. Cela implique des softskills que d’autres n’ont pas.

Les consultants des grands cabinets de conseil occuperont entièrement ce terrain si nous ne nous en chargeons pas.

Les Alumni peuvent ici être un levier d’influence en ce sens.

Quelles actions les Alumni du CELSA peuvent-ils engager pour permettre l’épanouissement de cette vision ? 

Mettre en avant des gens diplômés du CELSA et qui ont réussi, des « rôles modèles » pour ainsi dire, me semble essentiel. De même, inviter des patrons, des dirigeants, pendant le cycle de formation au CELSA mais aussi après, lors des activités organisées par l’association... Multiplier les occasions d’échanges et de partage…  Dans une vie normale, je vous parlerais de dîners à guichet fermé. Je vous parlerais de tous les fondamentaux de l’influence et de la construction de réseau. Mais il faut aujourd’hui mettre notre inventivité à l’œuvre.

La responsabilité du rayonnement de cette vision et du rayonnement du CELSA me semble partagée. Nous avons une coresponsabilité avec les étudiants pour faire rayonner ce label !  Par exemple, chacun peut, voire doit, le mettre sur son profil LinkedIn, adhérer, être actif sur les réseaux. Peut-être pourrions-nous essayer de concevoir un document qui se rapproche d’une « Charte des Alumni » ?

Avez-vous un conseil pour les étudiants et les Alumni ? 

Oui ! Tout d’abord, je pense qu’il faut toujours chercher à être totalement alignés entre « l’être » et « le faire ». Cela implique de se connaître, de savoir quels sont nos moteurs et nos limites, de savoir ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Il me semble essentiel de gérer sa carrière avec une connaissance profonde de « qui » l’on est. Quand on est écartelé, on fait mal son travail. Mais surtout, je crois pour ma part que tout le monde peut briser son « plafond de verre ». Les gens qui y parviennent ont pour la plupart réalisé ce travail d’introspection. Cela consiste à accepter de se connaître, de connaître ses limites, d’oser demander de l’aide, d’ accepter de dire « je ne sais pas faire » …

Ensuite, je crois dans le pouvoir de l’audace ! Il y a plein de façons de l’être : par le regard, en sortant de sa zone de confort, en créant son entreprise, en disant des choses etc.  

Cela me semble d’autant plus important dans la période actuelle. L’encadrement douloureux de nos libertés nous appelle à reprendre la main sur nos vies, à ne pas nous laisser aller à la mélancolie. Si trouver sa lumière quotidienne passe par une petite dose d’esprit rebelle, eh bien pourquoi pas ! L’audace est pour moi une déclinaison de la rébellion. Un monsieur qui jouait un rôle de mentor pour moi, m’avait dit il y a quelques années : quand tout le monde part, il faut rester, quand tout le monde reste, il faut partir. Ça m’a beaucoup guidée. Faire le pas de côté…




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