Agro-alimentaire & communication - Positionnement de marque : la voie du milieu est-elle possible ?
Mexico le 4 avril 2022
par Marine Soret, alumna du Celsa & directrice Innovation de l´offre chez JUSTO - Mexico. Marine est aussi ambassadrice du Réseau des Celsa Alumni au Mexique.
Les aliments que l´on consomme répondent davantage à une logique de statut, d'appartenance et d’émotion que de survie. L´équation n´est pas si simple à résoudre et nous questionne sur une problématique de fond de communication : La voie du médian est-elle une voie sans valeur lorsque l´on traite de l´alimentation ?Les rituels et la culture du partage de la table induisent nos choix de consommation alimentaires
Le Mexique est un excellent cas d'école pour mettre en lumière la place de la nourriture dans nos modes de consommation. J´ai eu l´occasion de regarder récemment une série sur Netflix nommée « Heavenly Bites : Mexico ». Cette série parcourt le Mexique et révèle les spécialités culinaires de la Street Food mexicaine. Au- delà du fait qu'il s'agisse de Street Food, marquant de fait une différence avec la culture alimentaire française, la série témoigne d´un trait particulier de la culture mexicaine : la convivialité se traduit par la générosité des portions. On est dans une logique de l´extra quantitatif.
On voit que le partage d’un repas, quelle que soit la culture, revêt un caractère rituel et symbolique. Cette forme de partage, d'échange et de reconnaissance est définie par Jean-Jacques Boutaud sous le terme de ‘commensalité’ dans son livre Le sens gourmand, de la commensalité du goût des aliments, 2005. Cette notion regroupe à la fois les traits de l'hospitalité et ceux de la table. Le commensal est à la fois hôte et convive. Dès lors que l´on partage un repas avec autrui, il se joue deux axes de notre humanisation : l´axe horizontal, par la force du lien qui unit les commensaux ; et l’axe vertical avec ce que la commensalité implique comme respect des hiérarchies, des places et des rôles entre les hôtes. La commensalité soude les individus et a par conséquent une incidence sur les choix de consommation.
C´est ici que se jouent les différences culturelles. Si l´on s´intéresse par exemple à comment cela se traduit dans la culture française, on pourrait dire que cela s´exprime par une presque religion de l´ingrédient. Le meilleur exemple est le repas de Noel. Dans chacune des cultures c´est un moment de convivialité hautement important. Le repas de réveillon mexicain consiste en un foisonnement de plats qui se partagent quand le réveillon français consiste à présenter des mets d´exception que souvent l´on ne consomme qu´à cette occasion. Cette différence culturelle qui définit l´appartenance au groupe se traduit également à un niveau micro-culturel avec l’apparition de groupes de cultures alimentaires : Végétarien, flexitarien, végan, omnivore, keto…
On le sait, l´industrie de la viande émet plus de C02 que le transport mondial. On sait aussi que pour produire 1 kg de viande de poulet, il faut plus de 4 000 litres d´eau et jusqu´à 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande de bœuf ! Nous savons que nos comportements alimentaires, notamment dans les pays occidentaux, contribuent sérieusement a la menace de notre planète et réduisent nos chances de vieillir en bonne santé.
Des paramètres d’achat aux logiques complexes
On le sait, l´industrie de la viande émet plus de C02 que le transport mondial. On sait aussi que pour produire 1 kg de viande de poulet, il faut plus de 4 000 litres d´eau et jusqu´à 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande de bœuf ! Nous savons que nos comportements alimentaires, notamment dans les pays occidentaux, contribuent sérieusement a la menace de notre planète et réduisent nos chances de vieillir en bonne santé.
Mais alors pourquoi seulement 5% de la population mondiale suit une alimentation végétarienne ou végan ? La réponse se trouve dans ce que les scientifiques appellent le circuit de la récompense. La nourriture, et dans ce cas précis les produits carnés, répondent au même principe que n'importe quelle substance psychotrope : ils activent le circuit de la récompense et conduisent notre cerveau à produire de la dopamine.
Aussi, bien que l´alimentation réponde à un besoin physiologique selon Maslow, on voit que d’autres paramètres viennent complexifier l’acte d’achat. D’abord le budget consacré par les ménages. Alors qu´il est en baisse en France (14 points de moins entre 1960 et 2014 en France / source Insee), au Mexique celui-ci a augmenté (5,2 points entre 2018 et 2020/source Inegi), expression d´un repli des Mexicains (fortement impactés économiquement par la pandémie) sur les dépenses de base. Mais aussi, la qualité de l´alimentation répond plus à un besoin d´appartenance qu’à un besoin physiologique.
L´alimentation est donc un sujet qui traite aussi fortement du statut et de l´appartenance que des émotions. Voilà ce qui rend le choix d´un positionnement de marque tempéré difficile.
Flexitarisme : leurre ou positionnement idéal ?
Le ‘flexitarisme’ (de l’anglais ‘flexitarianism’), est définit dans le Larousse comme un mode d´alimentation principalement végétarien mais incluant occasionnellement de la viande ou du poisson. Le choix du flexitarisme pourrait être traduit ici comme ‘l´alimentation du milieu’, c’est-à-dire le compromis idéal entre plaisir et raison. Aussi, le magazine Forbes, il y a 3 ans déclarait qu´une large adoption du régime flexitarien d´ici 2050 nous garantirait un futur durable. Ou encore, le journaliste Graham Hill dans sa conférence Ted de 2010 indiquait être végétarien du lundi ou vendredi et avoir réduit son impact environnemental de 70%.
Cette voie du milieu semble alors être la plus sensée et facile comme positionnement de marque : Choisir d´accompagner les consommateurs dans leurs choix alimentaires en leur proposant toujours plus d’options pour améliorer leur santé ou leur impact environnemental à travers la stratégie des petits pas.
Pourtant, lors d’une intervention que j’ai réalisée récemment à Mexico sur ce thème auprès d’un public d’entrepreneurs végans, voici la seule question qui m´a été posée ce jour-là :
« Pourquoi continuer à vendre des œufs de poule élevées en batterie qui ne respectent en rien le bien-être animal ? »
A cette question, il faut préciser que le marché des œufs au Mexique est encore principalement concentré sur ce type d´offres et que la plupart des Mexicains consomment des œufs chaque jour. C´est donc un produit de base où le prix est très surveillé. Si je prends le cas de JUSTO, notre offre est composée à plus de 40 % d´œufs de plein air mais 80% de nos ventes se concentrent sur le reste pour le moment. Il s´agit du même type de problématique que celle du marché Bio en France il y a quelques années : tout le monde se dit que c´est logique de consommer bio mais le marché reste de niche, les prix restent élevés et par conséquent le marché tarde à se développer. Au-delà de cette précision, ceci démontre un fait que nous connaissons bien en tant que communicants à savoir qu´un positionnement n´a de puissance que pour une cible bien définie, il s´agit d´une perspective et non d´une vérité.
Le ‘Bien Manger’ – un positionnement médian qui implique une hyperpersonnalisation pays par pays
Dans le secteur alimentaire, un positionnement de marque médian est en fait le contraire d´un marketing global ; il répond plus à une logique d´hyper personnalisation. Ainsi en choisissant de promouvoir une alimentation équilibrée et fléxitarienne au Mexique, mes outils seront différents de ceux que j´utiliserais pour la France ou encore pour le Brésil ou l´Asie. Dans chacun des cas il s´agit de comprendre en profondeur la cible et ce qu´implique pour celle-ci le « Bien manger ».
La tendance est globale, sa traduction et son traitement hyper particulier. Les Mexicains culturellement refuse d´être restreint en quantité et les régimes en dépit d´un taux d’obésité de surpoids de l´ordre de 70% n´y sont pas populaire. Quand dans le régime méditerranéen le bien manger implique une consommation majoritaire de fruits et de légumes et des produits peu transformés ; au Mexique ce sont les produits dits naturels que sont considérés comme sains : fromage, tortillas, miel, granola, yaourts…
La voie de la modération est par conséquent une voie qui implique une connaissance accrue de sa cible. C’est aussi une voie qui implique des questions fondamentales pour nous, communicants : comment parvenir à traduire des insights globaux en insights particuliers ? Quels sont les signifiants culturels pertinents à prendre en compte dans ma communication ? Dans le cas du Mexique par exemple, je sais que la quantité, la culture du snacking et du partage sont fondamentaux dans l´approche de l´alimentation. Ce sont donc des éléments que nous intégrons à notre communication.
Et pour vous comment cela se traduit-il ?
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