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L’interview du mois : Lina ZAKHOUR, alumna CELSA et ambassadrice Liban & monde arabe pour notre réseau

Portraits

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18/09/2023

Lina ZAKHOUR, alumna CELSA, est notre ambassadrice pour le Liban et plus largement pour le monde arabe-mashrek. Avec Lina, les cultures française, libanaise et anglo-saxonne s'hybrident et ses talents d'avocate s'allient à ses compétences en journalisme et communication. Ce qu'elle adore par-dessus tout ? Manier les mots et dire le réel, afin d’influer sur son cours... dans plusieurs langues ! 

Découvrez Lina et son parcours atypique et inspirant. 

Propos recueillis par Guylaine Moreau, alumna 2020


1.    Bonjour Lina, peux-tu nous décrire en quelques mots ton parcours  académique ? 

Après un bac français (option mathématiques), j’ai intégré la faculté de droit de l’université Saint Joseph à Beyrouth où j’ai obtenu une maitrise en droit libanais et français, ainsi qu’un DESS en droit privé général. En 2008, j’ai néanmoins décidé de reprendre le chemin de l’école, et j’ai rejoint le CELSA. J’y ai effectué un premier mastère spécialisé en journalisme et médias, puis un second mastère recherche en sciences de l’information et de la communication.


2.    Pourquoi avoir choisi le CELSA ?

À l’école puis à l’université, journaliste en herbe, j’ai collaboré à moult publications estudiantines. À l’issue de mes études de droit, juste avant d’intégrer le barreau, j’ai même été journaliste à plein temps à l’Orient-le Jour près d’une année ! Puis, pendant près d’une décennie, alors avocate d’affaire, je signais deux chroniques régulières dans la presse. Je ne me suis donc jamais tenue loin de l’univers des médias et de la communication. 

En 2007, voulant prendre une année sabbatique, j’ai tapé dans mon moteur de recherche « effectuer un master en communication, media ou journalisme »… et j’ai ainsi découvert le CELSA que je ne connaissais pas. Il faut donc remercier Google. 

Mais ce qui était censé être un master d’un an, s’est prolongé grâce à la rencontre déterminante du Pr Véronique Richard alors directrice du CELSA, qui a deviné mon côté « rat des bibliothèques » et m’a encouragée à persévérer dans la recherche en sciences de l’information et de la communication. J’ai donc rempilé pour un second master, sous sa direction.


3.    Que t'ont apporté ces années au CELSA ? 

Le CELSA m’a permis d’allier mes deux passions, le droit et la communication et de réussir à construire une offre globale de conseil et services, qui fait sens, et qui couvre tous les enjeux réputationnels ou juridictionnels : des risques d’opinons en amont jusqu’à la communication de crise en aval . Alliant la stratégie d’un communicant et la tactique d’un avocat, j’ai ainsi créé une synergie qui fait de l’art du discours et de la rhétorique un « combo gagnant » pour bâtir une stratégie d’influence efficace.. 

Les mots construisent notre réalité, nourrissent nos imaginaires et façonnent nos opinions. Et j’aime les mots. En arabe, en français et en anglais. Je suis désormais un couteau suisse, qui jongle avec la fonction du mot suivant les contextes, les cadres, et les besoins juridictionnels, médiatiques, communicationnels… Mais, les mots sont aujourd’hui galvaudés. Et la communication bruyante. Or, surtout lorsqu’il est question de communication sensible, l’art du storytelling doit se faire discret. C’est à ce prix que la vérité que l’on veut assoir, triomphera le plus naturellement. Pour mieux influer et convaincre, le communicant doit parfois s’effacer. Un peu à la façon d’un Spin Doctor… 


4.    Quelle est ton actualité ?

J’ai contribué au numéro 90 de la revue Hermès (ed du CNRS) qui parait en octobre ; coordonné par Vincent Liquète et David Le Breton sous la supervision de Thierry Paquot, il est consacré à la thématique de la marche sous un angle communicationnel. Membre depuis 2011 du comité de rédaction international de cette revue qui se consacre à l’étude du champ de la communication sous la direction de Dominique Wolton, je me fais toujours une joie d’assister au comité bi annuel. Le prochain se tient fin novembre dans  le beau cadre du pavillon de Bellevue du CNRS.

Par ailleurs, au vu du contexte professionnel actuellement difficile au Liban, aujourd’hui je redéploie mes ailes davantage vers la France, à l’affût de nouvelles collaborations. 


5.   Tu as été particulièrement engagée dans des activités avec CAMPUS FRANCE à Beyrouth. Quel était  ton  rôle exactement ?

J’ai à mon actif plusieurs années d’enseignement à l’université. La transmission du savoir et le contact avec les étudiants m’apportent beaucoup de joie. Les diplômes sont selon moi les meilleurs passeports, et les armes les plus fiables face aux aléas de la vie. Aussi, lorsque l’institut français de Beyrouth a fait appel à moi en 2021 puis 2022 pour une mission ponctuelle de conseillère pédagogique, en renfort aux équipes dédiées de campus France, face au nombre grandissant d’étudiants libanais désirant venir étudier en France, je n’ai pas hésité une seconde. Forte de ma connaissance du milieu universitaire français et libanais, mon rôle consistait à mesurer la solidité des choix de formations universitaires sinon décisifs du moins déterminants pour l’avenir des étudiants, et l’évaluer ou même l’éclairer… afin d’optimiser la destination « études en France ».  


6.    Quelle est ta plus grande fierté ?

Ce que je n’ai pas encore accompli… Ma prochaine mission en France peut-être ? 

Nos carrières ne sont pas immuables, à l’image du monde dans lequel on évolue. Nous sommes appelés à apprendre continuellement. A nous adapter au changement : scientifique, géopolitique.... Ou encore à réinventer nos métiers. 

D’où ma passion pour le monde de la recherche et mon appartenance à différents think-tanks. Ma fierté réside peut-être en partie dans le fait d’avoir pu consacrer du temps à l’écriture, l’analyse et la réflexion au sein des différentes revues auxquelles j’ai contribué, ou dans les deux livres que j’ai publiés entre Paris et Beyrouth. 

(NDLR : "Imane", roman paru en 2019 à Hémisphères Editions et "Moi et la loi au Liban" ouvrage juridique publié en 2013) 


7.    Comment envisages-tu ton rôle d’ambassadeur CELSA Alumni ? 

Le CELSA Alumni crée un lien. Nous avons en commun un passage dans une grande école qui nous a apporté une formation en communication et que chacun de nous a ensuite investie dans une carrière plus ou moins classique, ou hors des sentiers battus. Les différents parcours dans les différents pays sont une richesse pour cette communauté d’alumni. A nous d’en faire une force, également. 

Sur un plan plus personnel, étant moi-même franco-libanaise, et donc à l’aise dans les deux cultures, je peux apporter de par mon rôle d’ambassadrice une connaissance du monde arabe pour tout alumni CELSA qui y est nouvellement muté professionnellement, et qui pourrait être en demande d’information. 

En 2019, j’avais commencé à établir un réseau commun au Liban et aux Emirats arabes unis. Aujourd’hui le réseau des alumni dans les pays arabes compte aussi un relai en Arabie saoudite ainsi qu’un autre au Qatar. C’est une toile qui se tisse doucement au gré de la disponibilité ou de l’implication des uns et des autres, de leur mobilité et de l’opportunité de collaboration et/ou d’entraide qui émergent en cours de route. J’ai ainsi contribué au printemps à l’organisation du voyage d’étude EMBA CELSA promotion 16 qui s’est déroulé en mai 2023 à Abu Dhabi, en mettant en contact les alumni sur place avec l’organisatrice du voyage qui désirait rencontrer des professionnels établis au Émirats.  


8.    Quelles sont les interactions CELSA Alumni que tu apprécies ?

Le capital relationnel cache souvent de belles surprises. Il faut savoir et vouloir le construire et le nourrir, sans prétention, ni arrière-pensée. Les interactions se vivent dans le moment, et n’ont pas à être forcément définies à l’avance. Les résultats des différentes ateliers et rencontres, ne sont pas toujours prévisibles. Il faut être prêt à donner. Et à recevoir. Être ouvert. Cela peut mener simplement à étoffer un carnet d’adresse aux 4 coins du monde, à avoir des échanges intéressants ou… à construire de belles collaborations professionnelles.

A titre d’exemple, lorsque j’étais étudiante au CELSA, j’ai fait de belles rencontres humaines et académiques… qui sont devenues professionnelles et amicales au fil des ans. J’ai eu ainsi le bonheur d’accueillir Mme Véronique Richard alors directrice du CELSA, lors d’un déplacement à Beyrouth à l’occasion d’une conférence internationale sur les médias à laquelle elle avait été invitée en 2014. J’ai également noué avec Antoine Sfeir alors intervenant au CELSA, une belle collaboration professionnelle qui s’est traduite plusieurs années plus tard, par des contributions à la revue les Cahiers de l’Orient ; et dont le point culminant a été de me confier la coordination et la rédaction en chef du numéro 120 de la revue. J’ai pu à cette occasion organiser une belle table ronde dans le cadre du salon du livre francophone de Beyrouth, avec évidemment en invité d’honneur Antoine Sfeir, directeur de la revue,  qui a alors effectué le déplacement depuis Paris en 2015.


9. Quels conseils pourrais-tu donner à des étudiants ou alumni qui envisageraient de venir travailler au Liban ? 

J’aurai aimé répondre à cette question à une autre période, ma réponse aurait peut-être été différente. Aujourd’hui c’est un pays en naufrage, un peu comme le Titanic, même si vous pouvez surprendre un orchestre qui persiste à continuer de jouer, alors que les chaloupes sont jetées à la mer … L’explosion du port de Beyrouth le 4 aout 2020 a irrémédiablement tué une part en chacun et chacune, et beaucoup ont décidé de quitter le pays, surtout qu’aucun procès n’est près de désigner les coupables. C’est un pays où la corruption est endémique et l’impunité mortifère. La résilience de bon nombre de libanais s’est donc transformée en désespérance. 

Économiquement la situation est surréaliste. Les citoyens n’ont plus accès à leurs comptes en banque. L’inflation bat des records. C’est une économie du cash : oubliez les cartes de crédit et les mini porte-monnaie, il faut se balader avec un grand sac empli de liasses de billets, la monnaie locale ayant perdu 90% de sa valeur.  

Tout expatrié désirant s’installer aujourd’hui au Liban doit donc avoir à l’esprit ce contexte difficile, qui peut ne pas être toujours visible á l’œil nu, puisque les libanais l’y accueilleront avec le sourire et leur hospitalité légendaire !

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